Le programme de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et accès à la justice propose de changer le paradigme médico-juridique, qui prévaut actuellement en matière de santé mentale et accès à la justice, au profit d’un paradigme axé sur les expériences et les savoirs des personnes ayant fait l’expérience d’un traitement judiciaire en santé mentale. Les connaissances actuelles en santé mentale et justice sont largement dominées par les savoirs médicaux et juridiques. D’une part, la médicalisation incite à appréhender, interpréter et comprendre les faits sociaux et les réalités individuelles comme les manifestations de phénomènes biologiques auxquels la solution est médicale. D’autre part, la jurisprudence thérapeutique suppose que le droit et les juristes sont des « agents thérapeutiques » qui peuvent agir sur la vie sociale notamment via l’institution judiciaire. Ces deux théories ont en commun de ne considérer ni les rapports de pouvoir ni les savoirs des personnes ayant fait l’expérience d’un traitement judiciaire en santé mentale, en plus de ne pas admettre la dimension coercitive et l’effet préjudiciable du processus judiciaire.

Les questions des savoirs et des droits des personnes ayant fait l'expérience d'un traitement judiciaire en santé mentale sont ainsi peu présentes dans la littérature, et les doctrines juridiques pertinentes, en droit civil, criminel ou administratif, ne dialoguent pas, ce qui a comme effet des difficultés de cohérence et d’interprétation préjudiciables tant pour la défense des droits que pour le développement de pratiques hospitalières et judiciaires respectueuses de ces droits. Or les besoins de recherche en ce sens sont clairement établis. Les travaux de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et accès à la justice visent à combler ces lacunes par trois stratégies originales et novatrices : 1- en intégrant des personnes ayant fait l’expérience d’un traitement judiciaire en santé mentale à tous ses travaux, 2- en traitant de manière transversale les domaines du droit civil, pénal et administratif en tant que droit psychiatrique, et 3- en développant des projets d’innovation sociale susceptibles de produire des effets concrets pour les personnes ayant fait l’expérience d’un traitement judiciaire en santé mentale, les intervenant·es communautaires et les professionnel·les du droit et de la santé et des services sociaux.

Le programme de recherche de la chaire est structuré autour de trois axes de recherche, de formation et de diffusion complémentaires.


Axe 1. État des lieux des pratiques judiciaires et hospitalières en santé mentale

Les connaissances sur les pratiques en santé mentale et accès à la justice sont actuellement lacunaires, notamment en raison de l'absence de collecte d’informations systématique de la part des différentes instances publiques impliquées. Les projets déployés sous cet axe visent à dresser un portrait de situation.


Axe 2. Judiciarisation et accès à la justice

Cet axe de recherche découle des travaux les plus récents de la professeure Bernheim qui démontrent la nécessité de s’interroger, dans une perspective d’accès à la justice, sur la place qu’occupent la médication psychiatrique et la judiciarisation dans le traitement des personnes ayant fait l’expérience d’un traitement judiciaire en santé mentale.


Axe 3. Innovations sociales et recherches-actions

Les travaux menés par la professeure Bernheim dans les dernières années avec des cliniques juridiques ont permis de constater que la recherche-action est un moyen de développer des projets dont les retombées sont concrètes et immédiates, à la fois pour les personnes visées et les étudiant·es en droit (Maresh, 2018). Les projets d'innovation sociale seront multidisciplinaires, impliqueront des personnes ayant fait l’expérience d’un traitement judiciaire en santé mentale, des organismes communautaires et des étudiant·es.



Le Lancement de la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et accès à la justice